Jugements supplétifs, divorces, garde d’enfants…/Tribunal du Plateau: LE CALVAIRE DES PARENTS





Chaque vendredi,  la chambre des affaires matrimoniales du tribunal du Plateau vit des moments intenses. Elle est prise d’assaut par des parents en détresse.

Il fait chaud, la fatigue se fait sentir, et cette incertitude que les audiences peuvent  à tout moment être reportées noue l’estomac. Ce vendredi 30 mars,  à gauche de la fameuse salle d’audience des flagrants délits du Plateau, l’entrée d’une petite pièce attire l’attention : la salle des  audiences de la chambre des affaires matrimoniales. C’est une petite porte prise en sandwich par des escaliers qui montent au réfectoire et ceux menant aux flagrants délits. Devant, dans le grand hall qui longe l’entrée,  un monde fou. Plus d’une centaine de personnes attend. Certains, les premiers arrivés, sont assis sur des rangées de chaises rembourrées, dehors. Il n’y a pas de droit d’ainesse ici, les autres doivent se tenir débout. Ce sont des personnes âgées, des jeunes, des enfants tenus par leurs parents. Ils sont de différentes couches sociales, mais tous sont tenus par le même problème : obtenir un jugement supplétif d’acte de naissance, la garde d’un enfant…Assise sur un banc, un enfant sur les jambes, une jeune femme venue probablement pour obtenir la garde de son enfant, lit un roman « arlequin ». Comme si l’amour n’était qu’une simple fiction qui se vivait dans les livres.

Une centaine de parents désespérés

Il est 14h. Après près de trois heures de longue attente, un greffier débarque, ployé sous le poids d’une pile de dossiers qu’il tient en main. Il est pris d’assaut. Il demande aux intéressés de se calmer et de le suivre derrière le bloc du tribunal, où il va procéder à l’appel des dossiers qui seront débattus ce jour. On se bouscule pour être aux premières loges. Une jeune fille marche sur le pied d’un vieillard. C’est la dispute ! Mais personne ne s’occupe d’eux. Le greffier appelle les noms, ceux qui sont cités savent qu’ils vont comparaître. Ils exultent. Mais la souffrance ne fait que commencer. Ils vont s’entasser devant la porte de la salle d’audience. Là, un policier leur barre le passage pour les empêcher d’entrer dans la salle. Il faut attendre un nouvel appel des noms par un greffier pour désigner l’ordre d’entrée. « Mettez-vous en rang ! », indique-t-il. Les interpellés se mettent en file indienne devant la porte. « J’espère que toutes les parties sont là, poursuit-il. Et ne venez pas me dire que monsieur est au travail ou que madame dort ». Un autre greffier arrive avec des dossiers, le passage est obstrué. Il joue des coudes pour se faire un chemin. « Est-ce que vous avez envoyé tous vos témoins ?», leur demande-t-il. Puis, il entre dans la salle. Le policier lance à ceux qui sont en rang: « éteignez vos téléphones avant d’entrer! Si ça sonne dedans, le juge va les confisquer». Une femme dans la cinquantaine qui ne tient plus sur ses jambes, va chercher une chaise. Le flic s’interrompt : « où allez-vous placer cette chaise? ». Elle ne répond pas et se contente de la poser sur le seul petit passage au milieu de la foule. L’agent de sécurité lui intime de l’enlever. Elle refuse. Ils se chamaillent. Pendant ce temps, des gens qu’on n’a pas appelés se glissent furtivement dans le rang. Un greffier les remarque. Les petits malins sont contraints de quitter la file. Ils se plaignent qu’ils sont là depuis des heures. Parmi eux, un vieux.

Dur, dur de faire un jugement supplétif

Dans ce cafouillage, Nestor B. est venu pour le jugement supplétif d’acte de naissance d’un garçon qui n’est pas le tient. « Le père de l’enfant est porté disparu depuis la crise postélectorale.  Il s’est absenté avec les papiers du gosse dans ses valises », dit-il. La mère, très ambitieuse, selon lui, s’est envolée pour les Etats-Unis, promettant de faire partir le garçon. Mais rien, depuis. « Aujourd’hui, il à sept ans, sans aucun papier, j’essaye donc de faire établir son extrait de naissance ». Mais c’est un casse-tête chinois. Il a fallu se rendre, selon lui, dans l’hôpital où le garçon a vu le jour, fouiller dans les archives pour sortir sa fiche de naissance. « Ensuite, je suis allé à la mairie prendre un certificat de non-déclaration. Avec ces documents, je me suis rendu au guichet du Trésor, devant le palais de justice avec la photocopie de la pièce de la mère pour payer mon audience : 3.000 Fcfa ». C’est avec le reçu sur lequel est mentionnée la date de passage, que Nestor tente d’obtenir le jugement supplétif, depuis. Après des reports incessants, il espère que ce vendredi sera le bon. Ecrasé par la chaleur, il attend. Dans la mêlée, D’Almeida Ausebe, représentant d’une Ong d’assistance aux ressortissants béninois en Côte d’ Ivoire, est tout énervé par l’impatience.  Son truc, c’est de trouver  à Abidjan et banlieue des enfants qui sont nés sans papiers et d’essayer de leur en faire établir. Comme Nestor B., il passe son temps entre maternités, mairies et le tribunal pour réunir les documents et obtenir une bonne décision de justice. «  Après tout cela, lorsque nous venons aux audiences, les greffes nous disent qu’ils ne peuvent rien faire tant que les parents ne sont pas là. Or, c’est parce que les parents ne sont plus là que nous venons en aide à ces enfants». Selon lui, quand ces parents ne sont pas décédés quelque part dans un village reculé où on ignore tout des certificats de décès, ils se sont fait la malle. Alors, pour D’Almeida, il ne reste qu’une seule chose à faire : plaider et plaider encore auprès du magistrat. Cela peut prendre des mois. « J’espère qu’aujourd’hui j’aurais enfin le ok du juge sur un certain nombre de dossiers, » prie-t-il. Pendant qu’il explique, une des voix s’élève dans la foule : « tu l’as enceintée, alors, tu t’en occupes ! » C’est une femme dans la cinquantaine. Elle est aux prises avec un grand homme ventripotent qui porte un bébé de six mois environ. Renseignement pris, c’est un palabre beau-fils et belle-mère. Le beau-fils  nous dira plus tard qu’il se  nomme Hervé N. Il est venu faire le jugement, tenez-vous bien, de  sa femme ! Une fille d’à peu près vingt cinq ans. Le père de la fille a fait établir un faux extrait de naissance  depuis longtemps.


Divorcés, yako

 Aujourd’hui, lorsqu’il a voulu l’inscrire dans une grande école, la supercherie a été découverte. Il se plaint donc à la femme qu’il ne cesse de dépenser pour ce document. Un greffier qui suit la scène, sourit avant d’entrer dans la salle d’audience. C’est dans cette petite pièce que les choses sérieuses se passent. Et ordre a été formellement donné de tenir le public à l’écart. Selon Me Méité Abdoulaye, avocat au cabinet de Me Benet Lambert, les cas de divorce et de garde d’enfant s’y traitent. Pour les divorces, le juge se retrouve le plus souvent devant deux situations : un divorce par consentement mutuel ou un divorce par sanction. Pour le second cas, les choses sont généralement plus compliquées. Très souvent, l’une des parties a fauté, et l’autre veut la séparation. Le type de faute ? L’adultère, des menaces, des injures…L’audience de conciliation que le juge fait pour essayer de réconcilier les deux parties peut devenir spectaculaire, selon un magistrat qui garde l’anonymat. Monsieur et madame se lancent sur la figure toutes sortes d’injures. « Espèce d’infidèle, quand tu l’a b…tu ne pensais pas à ça!», où d’autres propos du genre : « M. le juge, c’est la p…du quartier, tout le monde se l’a fait.» Quand la tentative de conciliation  ne marche pas, les deux parties sont renvoyées. Le reste de la procédure consiste à prononcer le divorce. Les gardes d’enfants sont généralement consécutives à ces problèmes.  Et c’est un autre parcours du combattant.
Raphaël Tanoh
Leg : Le tribunal du Plateau a besoin a parfois des difficulté à contenir les demandeurs de jugements supplétifs.

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